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Un peu de psychologie pour une meilleure expérience utilisateur !

Article invité rédigé par Muriel De Dona, consultante qualité web spécialisée dans l’audit qualité et accessibilité, et coauteur du livre “Qualité Web“.

muriel-de-donaIl y a plus de 10 ans maintenant (gloups) je m’asseyais pour la première fois sur les bancs de la fac de Psychologie. Je ne savais pas encore à quoi ressemblerait ma carrière professionnelle, mais j’avais une certitude bien ancrée : l’humain y occuperait une place centrale.

Plus les semestres défilaient, plus mon intérêt pour les processus cognitifs, les neurosciences et la psychologie sociale grandissait. J’imaginais quelle serait ma pratique plus tard, je me demandais si j’exercerai en cabinet, en hôpital, en entreprise ou dans un laboratoire. Je n’imaginais pas une seule seconde que la Psychologie m’amènerait là où je suis aujourd’hui.

Quand on me demande quelles études j’ai suivies pour exercer ma fonction actuelle et que je cite la Psychologie, je vois des sourcils se froncer et des mines perplexes se dessiner. S’en suit généralement la fameuse affirmation : “ah oui, rien à voir avoir la choucroute en fait”. Rien à voir ? Avec la choucroute peut-être, mais pour le sujet qui nous intéresse, il y a “tout à voir”.

J’ai trouvé dans la Psychologie les fondamentaux de mon métier actuel et les perspectives d’améliorations les plus innovantes. J’y ai trouvé à la fois l’essentiel et la valeur ajoutée. J’y ai trouvé du sens. J’y ai surtout trouvé les compétences et connaissances essentielles à ma fonction d’UX (User eXperience) designer.

Si ce terme vous est inconnu, en voici une définition donnée par MC Casal lors de sa très bonne conférence au SEOCampGenève

“Nope. UX is not about the user. It’s about the user, the business, the product and how wecanget the best out of everything and everyone.”

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Extrait de la présentation de MC Casal au SEOCamp Genève.

Il y aurait évidemment beaucoup plus de choses à dire pour présenter l’UX design, mais ce n’est pas le sujet qui nous occupe ici. Le présent article vous donnera un aperçu de quelques concepts étudiés en Psychologie et vous montrera en quoi il est pertinent de les appliquer à une démarche centrée utilisateur ou lors de la création d’une stratégie digitale, voire même en SEO.

Le paradoxe du choix pour mieux convertir

Ce concept développé par le psychologue américain Barry Schwartz montre que plus une personne est confrontée à un nombre élevé de choix, moins elle a de chances d’en faire (cf. vidéo Barry Schawrtz )

barry-scwartzLe bon sens voudrait que l’on pense l’inverse. Imaginez, vous êtes au restaurant face à une carte des desserts contenant moins de 5 choix, vous allez probablement rapidement trouver votre bonheur et ne pas le regretter. Si la carte contient plus de 10 choix, il y a de fortes chances que votre sélection prenne du temps et que vous vous retrouviez, au final, à baver sur le fondant au chocolat de votre voisin ; vous savez, celui qui coule sur l’assiette dès qu’on plonge la cuillère à l’intérieur.

Choisir c’est renoncer et selon Barry Schwartz, lorsque le nombre de choix est trop important, renoncer fait penser à toutes les opportunités manquées ; ce qui entache la satisfaction finale. Cela influence également la conversion. Professionnels du webmarketing, vous rêvez de multiplier votre taux de conversion par 10 ? La psychologue SheenaIyengar l’a fait. En présentant 24 pots de confiture à des passants, elle obtient un taux d’achat de 3% alors qu’en réduisant le nombre de choix à 6, ce taux passe à 30%. Remarquable, n’est-ce pas ?

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Extrait de la vidéo de Susan Weinschenk sur l’expérience de S. Iyengar  – Youtube

En UX design, ce paradoxe est utile à avoir en tête si vous ne voulez pas décourager un utilisateur face à une interface complexe. Par exemple, lors de la conception d’une page « paramètres », vous pouvez présenter les 6 fonctionnalités les plus communes et séparer les fonctionnalités avancées au sein d’une section « paramètres avancés ».

Mais attention : réduire le nombre de choix ne veut pas dire empêcher l’utilisateur de sortir d’un tunnel de conversion ou de revenir à la page précédente. La liberté de l’utilisateur n’est pas un choix optionnel en conception centrée utilisateur.

Comprendre ce qui se passe entre la chaise et le clavier

Arrêter de considérer ce qui se trouve entre la chaise et le clavier comme un problème est le meilleur moyen d’innover. C’est en comprenant les mécanismes qui sous-tendent les pensées, affects et comportements des utilisateurs que vous pourrez anticiper leurs besoins et imaginez de nouvelles solutions.

Je pense au site Vietnammm.com (déclinaison de Takeaway.com) qui regroupe tous les restaurants proposant un service de livraison à domicile. Dans une interface claire et globalement bien conçue, l’internaute peut prendre connaissance des restaurants à proximité, consulter leur menu, sélectionner des plats et les commander en ligne. Jusque-là, rien d’innovant ; mais le site va plus loin : en tenant compte des caractéristiques de l’utilisateur et de l’environnement, le site lève de nombreux freins à la conversion et crée une expérience qui dépasse le périmètre du site. Pour preuve :

  • Un paiement en cash est proposé en première instance, l’internaute est rassuré : il ne risque pas de payer et de ne rien recevoir. Il indique le montant exact à sa disposition, ainsi il sait que le livreur n’aura pas d’excuses pour dire qu’il n’a pas la monnaie ;
  • Aucune création de compte n’est exigée pour commander, cependant dès la deuxième connexion toutes les informations de livraison et les favoris sont disponibles (stockés en cache) ;
  • Dès la commande terminée, un sms est envoyé pour indiquer l’heure exacte de la livraison ;
  • Le site propose à chaque utilisateur d’ajouter un commentaire en ligne sur sa commande (l’influence des pairs a été largement étudiée en Psychologie sociale)
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Capture d’écran du site Vietnammm.com

 La Psychologie sert aussi et surtout à cela : comprendre l’utilisateur et ainsi mieux le satisfaire.

Retenir l’attention des visiteurs

Pour convertir, il faut avant tout retenir l’attention de l’utilisateur. La chose n’est pas simple, car les êtres humains sont dotés de ressources cognitives limitées. Plus les stimuli sont nombreux, plus l’attention est dite divisée et donc peu profonde. A l’inverse, moins il y a de stimuli, plus l’attention est profonde. Voilà pourquoi une landing page devra être conçue avec le moins de distracteurs possibles.

Une expérience amusante pour mieux comprendre le phénomène de l’attention : regardez cette vidéo et essayez de bien compter le nombre de passes, c’est assez difficile et demande beaucoup de concentration parce qu’il y a deux ballons et de nombreux joueurs.

Si vous avez fait le test, vous comprendrez maintenant que, grâce à l’attention sélective, un utilisateur qui ne veut pas voir une pub ne la verra pas.

Concevoir des interfaces immédiatement compréhensibles

La Psychologie est à la base de nombreux concepts ergonomiques. Mieux comprendre la façon dont l’être humain perçoit son environnement vous permettra de mieux organiser les éléments au sein de vos interfaces.

Prenons l’exemple d’un formulaire. Sachant que les éléments proches physiquement sont vus comme faisant partie d’un même ensemble (loi de proximité, théorie de la Gestalt), les étiquettes (label) et les champs (inputs) devront être proches pour éviter tout risque de confusion (taper dans un champ au lieu d’un autre) et ainsi diminuer le temps de traitement.

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Extrait du cours de Sophie Donadieu sur la Perception/Attention, Licence de Psychologie

Pour être pertinent, un “call to action” devra suggérer l’action attendue (concept d’affordance), l’utilisateur devra donc comprendre immédiatement qu’il est cliquable, le bouton remplit très bien ce rôle. Si ce dernier est grand et proche du bord de la fenêtre, le pointage sera facilité (application de la loi de Fitts). Il sera d’autant plus visible s’il se distingue des éléments de la page sur deux niveaux plutôt que sur un seul, par exemple avec une couleur et une forme différentes (modèle d’intégration des traits de Treisman et Gelade).

Se différencier et fidéliser avec le design émotionnel

Tout le monde connait MailChimp, le service d’emailing qui a réussi à se distinguer de tous ses concurrents. Le but de son auteur, Aaron Walter, était de faire oublier à l’utilisateur qu’il se trouve face à une machine pour lui faire penser qu’il interagit avec une vraie personnalité.

Il a réussi ce pari sans recourir à l’intelligence artificielle, mais en intégrant dans son design les principes étudiés en psychologie sociale. Cette discipline permet de comprendre en quoi les affects, attitudes et comportements d’une personne sont affectés et influencés par une autre ou par la situation dans laquelle elle se trouve. Jouer sur les leviers émotionnels a permis à MailChimp de se différencier et fidéliser ses clients tout en étant à l’origine d’un nouveau courant : le design émotionnel.

En plus de créer un sentiment d’attachement (qui voudrait abandonner ce singe qui fait des “highfives”, nous félicite et nous fait rire quand on fait des erreurs ?), le design émotionnel facilite l’usage du logiciel. En effet, comme l’a prouvé Alice Isen, ressentir des émotions positives rend plus aisé le traitement des informations, la prise de décision et la résolution de problèmes. Autant de compétences nécessaires pour se servir d’un logiciel ou site web.

Prendre une longueur d’avance en SEO

Comme nous sommes sur le site de Miss SEO Girl, il était impossible de ne pas m’adresser plus particulièrement aux experts SEO lecteurs de ce blog. Lors du SEOCamp Genève, j’évoquais le fait que la connaissance de l’être humain, et donc de la Psychologie, pourrait bien être un sujet d’étude indispensable pour les experts SEO de demain.

Pourquoi ? Une part de votre métier est de découvrir comment Google classe les sites, à actualiser votre savoir sur le sujet, à évaluer et à optimiser des sites en fonction de vos connaissances. Quel est le métier de Google sur ce sujet ? Le but du moteur de recherche est d’apporter les meilleures réponses (résultats) aux questions (recherches) des internautes et il travaille tous les jours à progresser dans ce domaine.

google-ux-seoMais les recherches des équipes Google vont plus loin que cela, dans leur obsession du transhumanisme et de la singularité, ils aspirent à comprendre le fonctionnement humain pour pouvoir le reproduire. Et vous, experts SEO, avec votre cerveau humain vous cherchez à comprendre des algorithmes… qui cherchent à reproduire un fonctionnement humain ! Le serpent ne se mordrait-il pas la queue ? Nous voulons penser comme Google alors que Google cherche à penser comme un humain.

Alors si vous preniez une longueur d’avance, si vous vous concentriez dès aujourd’hui sur la mission d’optimiser des sites pour les humains et non pas pour un robot ?

Un article ne suffit pas à montrer l’étendue de l’apport de la Psychologie à l’UX design et aux stratégies digitales en général. Le but ici était de vous donner un aperçu des mécanismes qui rentrent en jeu entre la chaise et le clavier 😉 et rappeler que pour être sûr de ne pas se tromper, c’est toujours l’humain qu’il faut chercher à connaître et privilégier.

Merci à Alexandra de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer sur son blog, j’en profite pour recommander chaudement son livre.

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17 réflexions au sujet de « Un peu de psychologie pour une meilleure expérience utilisateur ! »

  1. Merci Muriel pour cet article intéressant.
    Pour ceux qui sont abonnés à la NL d’Abondance, j’avais écris un article sur le paradoxe du choix dans le contexte spécifique des moteurs de recherche : http://recherche-referencement.abondance.com/2014/11/interface-homme-machine-paradoxe-du.html

    Ce paradoxe est un sujet très étudié, et aussi très discuté car d’autres résultats montrent l’effet inverse, par exemple les travaux de Oppewal et Koelemeijer montrent que pour des mailing de vente de fleurs (donc pour les fleuristes) on augmente les ventes en proposant 12 bouquets différents plutôt que 5. En revanche dans le tourisme le paradoxe est valide : plus on propose d’hotels plus les gens choisissent mal ! Il y a bien sûr des explications à ces différences 😉

  2. De la psychologie aux problématiques UX. Excellent article qui prend tout son sens au fur et à mesure de la lecture !
    “Nous voulons penser comme Google alors que Google cherche à penser comme un humain.” > j’aime beaucoup le paradoxe. Merci pour cet article et bravo pour votre parcourt 🙂

  3. Merci à tous deux pour votre commentaire 🙂
    Merci Sylvain pour avoir donné un nouvel éclairage au paradoxe du choix. Le début de ton article donne très envie de lire la suite ! Je vois une façon concrète d’appliquer les deux points de vue dans un site e-commerce : offrir un large choix de produits (attractivité, sentiment de liberté) tout en proposant des filtres pertinents pour réduire le nombre d’articles affichés (réduction de l’anxiété et augmentation de la satisfaction finale).
    L’explication des différences entre les deux études est particulièrement intéressante vue sous l’angle de la psychologie et des statistiques, peut-être un prochain article ? 🙂

  4. En effet, on n’attend pas votre profil dans ce genre de spécialité, et pourtant votre propos est extrêmement riche. Finalement, on revient à l’obligation de satisfaire avant tout les personnes à qui on s’adresse, et non pas un système comme celui de Google.

  5. “Nous voulons penser comme Google alors que Google cherche à penser comme un humain.” Bien vu! ça remet les choses en perspective.
    Je me sens plus légitime, suite à la lecture de ton article, à déborder régulièrement du pur SEO vers l’expérience utilisateur, le design, l’ergonomie, etc… parce-que je crois aussi qu’un site beau, efficace et pratique donnera de meilleurs résultats, y compris en SEO.
    C’est super de pouvoir utiliser tes connaissances universitaires dans ce domaine, merci pour cet article.

  6. Merci pour cet excellent article.
    Il résume bien les grands points à garder en tête pour satisfaire au maximum l’internaute.
    Et dire que “les experts SEO sont centrés sur Google plutôt que l’humain”, c’est une triste réalité. Mais les habitudes changes et petit à petit, nous revenons sur l’essentiel. Merci pour le rappel

  7. Un grand merci pour cet article qui nous rappelle que c’est avant tout l’homme que l’on cherche à comprendre et non un algo.
    Je pensais déjà que la psychologie a un rôle à jouer dans le référencement, mais jusque là je n’avais pas eu la chance de pouvoir lire un article aussi bien, mené allant dans ce sens.
    J’espère que ce courant de pensée ne mettra pas trop longtemps à parcourir l’ensemble de la toile!

  8. Un grand merci à tous pour vos commentaires. Je suis ravie de constater que le rapprochement de ces univers vous intéresse 🙂

  9. Le moins qu’on puisse dire c’est que cette introduction à l’UX, à la psychologie de l’internaute et aux processus cognitifs donne envie d’en savoir plus. C’était, certes assez général, mais j’ai juste envie maintenant de lire tout ce que je peux trouver sur le sujet. Ca rapproche encore davantage nos métiers du champ scientifique.

    Personnellement j’ai la double casquette, développeur et référenceur. Et en général jusqu’ici lorsque je développais une interface utilisateur, ou que j’intégrais un thème, je procédais un peu au pif au mètre, en utilisant surtout mon bon sens. Mais le bon sens du développeur n’est pas celui de l’utilisateur. Et lorsque j’intervenais uniquement sous ma casquette de seo boy en revanche, là je me contentais seulement du strict nécessaire.

    Désormais j’ai presque le sentiment d’avoir systématiquement raté quelque chose d’essentiel jusqu’ici. Il serait intéressant de lire des retours de développeurs ou de SEO ayant justement été confrontés à ces problématiques et les ayant résolues. Si d’ailleurs quelqu’un a de la documentation intéressante sur le sujet, je suis (on est ?) carrément preneur(s) !

    Bref, si le pari de ce billet était d’intéresser les gens du monde du dev et/ou du SEO à cette matière, pour moi le pari est réussi. Bravo ! *clap clap clap*

  10. Hé mais c’est parfait en plus !!! Vu que je viens de réserver mon billet d’avion pour le Vietnam !!! Rhoo c’est top ca merci la vie 🙂

  11. Je cherche à faire un stage d’observation de 70 heures dans l’ux design sur paris. Etant étudiant licence de psychologie. Des idées d’endroit ou je pourrait postuler ? la plupart cherche malheureusement que des master et pour une durée d’au moins 4 – 6mois.

  12. J’arrive après la bataille mais l’article est toujours d’actualité. Le problème avec le SEO, c’est qu’on en oublie l’utilisateur. A force de trop optimiser les textes pour les robots, on en oublie la psychologie humaine !

  13. La psychologie du consommateur a transformé les pratiques du marketing pour les rendre plus efficaces, s’agissant notamment de la consommation de masse. Le rôle de la communication et des mécanismes de l’influence ont débordé largement le domaine économique et les responsables politiques s’y intéressent toujours plus.

  14. Bonjour à tous,

    en effet, l’humain reste le plus important, peu importe les métiers et les techniques
    Si on fait passé l’humain avant tout le reste, alors tout peut fonctionner
    Enfin c’est mon avis. Qu’en pensez vous ?

    Vaness

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